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Hollywood
19 h 13
Dark donna un coup de poing dans le mur de la chambre. La paroi en placoplâtre céda sur une trentaine de centimètres. Ce n’était pas très malin. Le gérant aurait pu l’entendre et venir frapper à sa porte d’un instant à l’autre.
Mais il fallait bien qu’il évacue sa fureur. Il ne pouvait pas éternellement la contenir. Il mourait d’envie de commettre un meurtre, et sa raison parvenait tout juste à le retenir.
Cela faisait des années qu’il n’avait pas éprouvé cela. Depuis que sa famille adoptive avait été massacrée. Dès cet instant, il était devenu une boule d’acier insensible qu’il avait promenée de par le monde, fracassant tous les obstacles entre lui et le monstre qui lui avait fait subir cela. Au bout d’une année d’échecs aussi sanglants que frustrants, sa rage s’était consumée et il n’était plus resté que le néant.
Sibby avait fouillé dans ces cendres, découvert quelques braises, les avait nourries lentement, patiemment, jusqu’à ce qu’il se sente de nouveau humain.
Maintenant qu’elle était aux mains de ce pervers, c’était comme si on lui avait lancé une bombe en pleine poitrine. Tout en lui s’effondrait.
Il fallait qu’il anéantisse Sqweegel, et il en était réduit à fixer un écran vide en se retenant de ne pas balancer le portable à travers la chambre…
— Attentiooon… Oui ! Nous voilà de retour.
Riggins et Constance se précipitèrent vers l’écran où était apparu le visage de Sqweegel. La fermeture Éclair de sa bouche semblait faire partie de l’écran, et sa langue menacer de le traverser.
— Constance Brielle, je sais que vous êtes avec nous, dit-il. Vous êtes concernée, vous aussi.
Tout le monde se retourna. Mais elle ne broncha pas. Elle restait hypnotisée par l’image de cette bouche, comme celle de Dieu, prête à dévoiler ses péchés.
— Nous avons beaucoup de choses à nous dire, continua Sqweegel. Tous.
Son visage disparut, et la caméra se dirigea sur Sibby.
— Steve ?
— Je suis là, dit Dark en posant les doigts sur l’écran, sentant sa chaleur, comme si c’était la sienne.
— Nous sommes tous réunis, alors ? demanda Sqweegel.
Il retourna la caméra sur lui-même, le bébé dans ses bras, toujours revêtu de son costume blanc.
— Il importe que nous nous débarrassions de quelques petites choses avant de finir.
Plus Constance regardait Sqweegel, plus elle était convaincue qu’il les voyait. Il suffisait de voir comment il se comportait. Pas comme quelqu’un qui joue devant un public imaginaire. Il les voyait, tous autant qu’ils étaient.
Il devait disposer d’une sorte de caméra espion dans la salle.
Peut-être de plusieurs. Comment ?
Constance continua de fixer l’écran tout en griffonnant sur un Post-it :
« Continuez de trianguler, discrètement. Urgent. Pour moi seulement. »
Elle le tendit à l’agent à côté d’elle en effleurant son poignet pour s’assurer qu’il avait compris.
Sqweegel lissa des plis imaginaires sur sa combinaison, puis il se redressa et fixa la caméra comme un présentateur de télé. Plein d’assurance. Bien droit. Tout à fait à l’aise devant ses téléspectateurs.
Et, tout son public étant désormais réuni, il prit la parole.